Vallauris et la céramique
Vallauris, cité d’argile
Si des traces archéologiques attestent de la production de céramique dès l’Antiquité, c’est véritablement à partir du XVIe siècle et le repeuplement de Vallauris par les familles venues de Ligurie que débute la production céramique spécifique au territoire. En effet, après un dépeuplement au cours du Moyen Âge, l’arrivée de nouveaux habitants suite à l’acte d’habitation établi en 1501 par les moines de Lérins, seigneurs du lieu depuis 1038, va donner une impulsion décisive au développement de la céramique.
Les richesses naturelles présentes sur le territoire favorisent son expansion. Nichée au cœur d'une plaine entourée de collines boisées, Vallauris est traversée par de nombreux cours d'eau. Ces ressources locales sont propices au développement de la céramique : le bois alimentant les cuissons et l’eau indispensable dans les différentes étapes de fabrication : de la préparation de terre au décor. Cependant, c’est la qualité de la terre locale, qui sera dénommée terre des Alpes, qui lie irrémédiablement Vallauris à la céramique. Cette terre possède deux propriétés essentielles : elle est réfractaire c’est-à-dire résistante au feu, et sans goût pour les aliments. Ces caractéristiques amènent à la production d’ustensiles de cuisine destinés à la cuisson : marmites et casseroles dites pignates et poëlons. En outre, parmi les habitants venus repeupler la ville au cours du XVIe siècle, certains étaient des potiers, ils ont donc apporté leur savoir-faire qui a permis d’exploiter ces ressources.
Au XVIIIe siècle, la poterie devient l’activité principale de la ville et Vallauris s’impose comme le centre de la production de marmites. Au moment de l’établissement du cadastre napoléonien en 1818, 25 ateliers sont comptabilisés : essentiellement localisés à la périphérie du village, progressivement leur implantation se fait vers les quartiers du Plan et du Fournas. Le développement de la production est lié aux possibilités d’exportation, principalement par voie maritime. Les ustensiles de cuisine ou terraille ainsi fabriqués sont amenés jusqu’au Golfe-Juan pour être chargés sur les tartanes et transportées à Marseille avant de se diffuser largement dans tout le bassin méditerranéen, puis au XIXe siècle dans les colonies françaises. Les fouilles archéologiques d’épaves retrouvées en Méditerranée témoignent de l’importance de ce commerce. Elles permettent aussi d’établir la diversité des formes produites alors à Vallauris.
La poterie traditionnelle continue son essor, la seconde moitié du XIXe siècle est celle de la plus forte expansion, à la fin du siècle, soixante fabriques sont recensées. Alors qu’auparavant, les ateliers fonctionnent sur un mode artisanal et familial, au cours de ce siècle, les fabriques se développent, les métiers se spécialisent : enfourneur, batteur de terre… et une véritable organisation industrielle et commerciale se met en place. Ainsi, les fabricants se regroupent en sociétés dont les deux plus importantes seront au début du XXe siècle : la Société Industrielle et la Société Générale des Poteries Culinaires de Vallauris. Une usine est créée pour l’extraction de la terre et la préparation des matières premières qui devient l’Union en 1919. L’arrivée du chemin de fer en 1862 à Golfe-Juan favorise les exportations par voie terrestre
De nombreuses fabriques éditent des catalogues de vente soulignant l’étendue et la diversité de la production. En effet, les échanges commerciaux amènent les potiers de Vallauris à développer de nouvelles formes telles les marmites arabes et couscoussier. Ces catalogues vantent la qualité de la terre de Vallauris. Ils proposent également trois types de finition : la poterie « ordinaire » où seule l’intérieur est émaillé, « vernie » où l’intérieur comme l’extérieur sont émaillés, et « jaspé » avec un décor de marbrure. Ces catalogues appuient la diffusion commerciale de la production.
Au début du XXe siècle, la production vallaurienne commence à subir la concurrence de la fonte et de l’aluminium. Une crise naît alors qui connaît son paroxysme au cours des années 1930 où sur 33 fabriques encore en activité, 25 ferment. Certaines comme Foucard-Jourdan, Grandjean-Jourdan ou Saltalamacchia parviennent à maintenir une activité et s’oriente vers de nouvelles productions dites « Poteries provençales rustiques ». Se développent alors les formes telles que les services de table, les bougeoirs.
Glossaire
Au fil de vos rencontres avec les potiers, vous entendrez de nombreux mots techniques.
Céramique
Terme générique pour désigner l’art et la technique qui consiste à transformer des matières premières minérales (les argiles pour la plupart) par le feu.
Alquifoux
Désigne un minerai dérivé du plomb. Il est un des fondants principaux – matière qui facilite la fusion des glaçures et des couvertes – utilisés dans la poterie commune dite vernissée, le plomb permettant d’obtenir une pellicule brillante et transparente. L’alquifoux est caractéristique de la production traditionnelle de Vallauris, notamment à l’intérieur des pièces.
Son emploi est réglementé en raison de sa toxicité.
Barbotine
Pâte liquide composée d’argile et d’eau destinée au coulage ou pour l’assemblage de pièces d’argile entre elles.
Biscuit
Objet céramique non émaillé obtenu après une première cuisson.
Émail
Aujourd’hui, les termes émail, couverte, glaçure et vernis sont employés dans le langage commun de manière souvent indifférenciée pour désigner l’enduit vitrifiable qui recouvre un objet céramique pour l’imperméabiliser et / ou le décorer mais ces termes recouvrent des techniques différentes.
Engobe
Mélange d’eau et d’argile qui peut être coloré ou non. Une des plus anciennes techniques de décor, appliquée sur terre crue, servant à donner une couleur à la pièce ou à créer des effets décoratifs.
Façonnage
Il existe trois grandes techniques de fabrication des pièces : le tournage, le modelage et le moulage. Les céramiques peuvent être aussi réalisées grâce à la technique de la plaque.
Faïence
Céramique à pâte argileuse, tendre, poreuse, recouverte d’une glaçure stannifère, cuite entre 900°C et 1 150° C. Nom originaire de la ville italienne de Faenza.
Jaspé
Décor de motifs abstraits obtenus par coulure ou éclaboussure d’un ou plusieurs colorants (oxydes ou engobes) sur une couverte généralement monochrome. Le terme évoque l’aspect bigarré de la jaspe, roche sédimentaire siliceuse utilisée en joaillerie. Il s’agit d’un décor typique du nord de la Méditerranée qui se développe à partir du XVIIIe ; Vallauris est le principal centre de production de céramique jaspée en Provence.
Oxyde métallique
Composés métalliques permettant de colorer les couvertes et glaçures ou de modifier leurs aspects. Selon les teintes souhaitées, ces oxydes peuvent être utilisés seuls ou en les combinant. La couleur de la poudre métallique est modifiée par la cuisson. Leur combinaison rend possible une grande diversité de couleurs.
Parmi ces métaux, sont utilisés notamment l’antimoine, le chrome, le cobalt, le cuivre, l’étain, le fer, le manganèse, le titane, l’urane, le zinc…
Pignate
À Vallauris, ce terme désigne une marmite de terre façonnée à l’envers sur le tour, en commençant par le bord, pour finir par le fond. Cette manière de tourner accroît la résistance au feu, l’humidité ne reste pas dans le fond au séchage. Il s’agit d’une forme caractéristique de la production culinaire.
Poterie
Objet en terre cuite, souvent à vocation culinaire, qui peut être totalement ou en partie vernissée.
Taraïette
Jouet en terre cuite, miniature de la vaisselle utilisée par les ménagères.