Alberto Magnelli
L’œuvre d’Alberto Magnelli (1888 – 1971), pionnier de l’abstraction, présente une trajectoire singulière au sein de la modernité artistique du XXe siècle.
Les débuts
« Ce fut un hasard qui, en 1907, mit entre mes mains des tubes aux magnifiques couleurs qui déclenchèrent en moi, alors tout à fait impréparé aux mystères de l’art, une révolution qui devait me prendre complètement. »
Né à Florence en 1888, dans une famille de commerçants, Alberto Magnelli choisit, à partir de 1907, de se consacrer à la peinture. Autodidacte, il se forme en parcourant les églises de Toscane et en apprenant des maîtres du Quattrocento, notamment Piero della Francesca, les leçons de construction de l'espace.
De la figuration inventée à la première abstraction
1910 – 1915
En 1910, Alberto Magnelli peint sa première œuvre majeure, Neve. Ce tableau figuratif annonce les éléments plastiques caractéristiques de l’œuvre de Magnelli : construction de l'espace par volumes géométriques, traitement des surfaces, utilisation de couleurs intenses. Il ne s’agit pas d’une transposition fidèle du réel mais d’un paysage « inventé ».
Il explore différents genres picturaux : paysage (Neve), la nature morte (Nature morte à la boîte rouge) et le portrait (La femme au tablier violet) au travers desquels il développe ses recherches autour de l'utilisation de la couleur et de la simplification des formes. Ces toiles, si elles se réfèrent à des éléments reconnaissables, se dégagent de toute référence réaliste. Elles offrent à Magnelli une surface sur laquelle il construit son propre espace pictural avec la volonté de ne plus concevoir la peinture comme une fenêtre sur le monde, c'est-à-dire comme une technique de reproduction.
En 1914, il effectue un premier séjour à Paris où il se lie d’amitié avec Guillaume Apollinaire. Il rencontre alors les artistes de l’avant-garde comme Picasso, Léger…
L’année suivante, il peint sa première toile abstraite, suivie d’une série de douze autres (dont Peinture n°0521). Ce passage précoce à l’abstraction positionne Alberto Magnelli parmi les pionniers de ce mouvement artistique. Pour la première fois, il abandonne toute figuration et représente les formes et les couleurs pour elles-mêmes. Dans ces créations, il exprime un grand dynamisme au travers des lignes et des couleurs.
Retour à la figuration
1916 - 1931
Dès la fin de l'année 1916, il introduit à nouveau des éléments figuratifs dans sa peinture et en 1918, il réalise la série des Explosions lyriques dans laquelle il abandonne momentanément les aplats de couleurs pures pour un éclatement des formes et des couleurs. Ce retour à la figuration se maintient durant toutes les années 1920, époque du « Réalisme imaginaire ».
Les Pierres
1931 - 1935
Inspiré par les blocs de marbre des carrières de Carrare, Alberto Magnelli entreprend, à partir de 1931, une exploration de ce monde minéral en créant des silhouettes anthropomorphes massives, seules ou en couple. Le travail sur les Pierres marque une rupture claire avec la période précédente. Il s’approprie de nouveaux matériaux non conventionnels comme du papier goudronné (Pierres n°225G, 1933)
En 1931, Alberto Magnelli s’installe définitivement à Paris.
Au cours des années 1930, Magnelli manifeste également un intérêt pour de nouvelles techniques : la lithographie à partir de 1934 ou encore le collage. Au travers de cette dernière technique, Alberto Magnelli explore les questions de rapports de matières et de formes (Les Râteaux Japonais, 1938).
Le seconde abstraction
1937 - 1969
À la fin des années 1930, les recherches formelles menées au travers de la série des Pierres et de l’expérimentation de nouveaux matériaux conduisent Magnelli à revenir progressivement à l'abstraction.
Dès lors, il ne quitte plus cette expression artistique. Il développe alors son langage pictural dont les éléments distinctifs sont les formes géométriques, les aplats de couleurs et cernes noirs sur des toiles de plus en plus imposantes.
Au cours de cette période, Magnelli continue d’expérimenter différents supports (l'ardoise, le papier à musique, fibrociment…) et différentes techniques (lithographie, linogravure…), transposant parfois des motifs de l'un à l'autre.
Alberto Magnelli décède à Meudon en 1971.
Les Magnelli de Vallauris
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Alberto Magnelli se réfugie à la Ferrage près de Grasse. Après la guerre, il y revient tous les étés. Il fréquente alors les artistes installés sur la Côte d'Azur dont Picasso à Vallauris. En 1964, Suzanne et Georges Ramié lui consacre une exposition à la galerie Madoura et il collabore avec Hidalgo Arnéra autour de la technique de la linogravure.
«Je possède encore – je n'ai jamais voulu m'en séparer car elles sont utiles et nécessaires à la démonstration de mes recherches – une série de toiles où l'on peut suivre en passant de l'une à l'autre l'évolution de toute une synthèse» - Alberto Magnelli, 1965
Ces œuvres, jalons essentiels de son œuvre, Alberto Magnelli souhaitait qu'elles soient conservées ensemble dans un lieu près de Grasse après sa mort qui survient en 1971. Georges Tabaraud, directeur du journal communiste le Patriote Côte d’Azur, joue un rôle actif dans le rapprochement entre la municipalité de Vallauris, dirigée par Paul Derigon, membre du P.C.F et la veuve de l’artiste, Susi Magnelli. Elle décide de faire don de cette collection à la ville et à son futur musée. «Les Magnelli de Magnelli» deviennent «les Magnelli de Vallauris», socle de la collection. Depuis, des dons, dépôts et achats ont enrichi le fond, notamment des œuvres témoignant d'autres approches techniques de Magnelli : collage, ardoise, lithographie, tapisserie…
Cette collection unique et exceptionnelle, présentée au second étage du musée Magnelli, musée de la céramique, permet un voyage dans l'œuvre de l'artiste, pionnier de l'abstraction.